Une nouvelle vie [Emmett]

Et soudain le silence se fit dans la maison. Entêtant. Presque inquiétant si cela n'avait pas auguré une nouvelle naissance. Les battements de cœur lancinants qui résonnaient dans toutes les pièces depuis trois jours poussaient à bout tous les esprits. Les plus jeunes d'entre nous résistaient difficilement à l'appel du sang qui se trouvait juste à quelques mètres, offert.
Nous étions réunis dans le salon lorsque le calme se fit. D'un même mouvement, nous tournâmes tous la tête vers la chambre où reposait le nouveau membre de notre famille.

Rosalie avait amené il y avait trois jours maintenant, un homme gravement blessé. Elle venait de le porter sur plusieurs dizaines de kilomètres alors que son corps n'était plus que blessures. En la voyant arriver, j'avais d'abord cru à un écart de sa part. Je m'étais déjà imaginé la scène. L'homme se promenait dans la forêt. Rosalie chassait. Elle n'avait pas vu le monstre prendre le dessus sur elle et avait attaqué l'humain sans pouvoir se retenir. Accablé par la honte, elle avait voulu me le ramener pour voir si je pouvais l'aider. Mais je ne pouvais rien faire...
Je me suis voulu de cette imagination fertile lorsqu'elle m'apprit la véritable raison de la présence de cet humain parmi nous.
Elle avait vu l'attaque de l'ours qu'elle traquait. Elle avait vu l'homme virevolter dans les airs au premier coup de patte. Elle avait entendu les os se broyer lorsque la femelle défendant son petit s'était laissé retomber sur le corps déjà meurtri.
Et elle n'avait pas eu le cœur à le laisser mourir, préférant lutter contre sa nature pendant tout le chemin de retour. Comme il avait dû être long ce chemin, torturée par l'appel du meurtre. J'étais si fier d'elle et j'avais vu tellement de désespoir dans ses yeux que je n'avais pas pu lui refuser de transformer le jeune homme. Sans mon intervention il serait sans doute mort dans l'heure de son arrivée ici.

Mais voilà, j'avais mordu et mes yeux plus orangés que d'habitude me le rappelaient chaque instant et me le hurleraient jusqu'à ce que je me nourrisse d'animaux. La transformation cadrait toutefois bien avec ma philosophie de vie. Je l'avais fait pour le sauver d'un mort inévitable. Je commençais à être habitué à cette procédure et était parvenu à m'arrêter sans problème. Encore plus vite que pour Rosalie. Cependant cette progression n'était pas vraiment source d'orgueil. Je détestais boire du sang humain, et ce même pour sauver une "vie".
Et surtout, comme toutes les fois, j'espérais juste qu'il ne m'en voudrait pas. J'étais chanceux pour le moment, sur trois transmutations, seule Rosalie souffrait vraiment de sa condition. Ou du moins, le montrait. Car nous avions tous des moments de nostalgie...

Après un léger sourire de connivence entre Esmée et moi, nous nous levâmes et allâmes dans la chambre où le jeune homme avait souffert ces dernières heures. Il était là, et ce qui s'offrit à nous fut un beau vampire d'une magnifique carrure. Une des plus puissant que j'aie pu voir dans ma longue vie.
Mon premier réflexe fut d'empêcher quiconque de passer devant moi en barrant la porte de mes bras. Sa stature me faisait tellement penser à celle de Félix des Volturi, que mon corps se méfiait naturellement. Je savais qu'il pourrait tous nous tuer d'un seul coup s'il le voulait, surtout avec sa force de nouveau né.
Et dire que nous ne savions même pas son nom...

Je dus me forcer à faire un pas, gardant un regard sans peur. Je voulais lui montrer que nous n'étions pas une menace pour son lui qui devait probablement agir à l'instinct en ce moment.

- Bonjour. Je m'appelle Carlisle et voici Esmée, Edward et Rosalie. Je te propose qu'on aille faire une petite promenade en forêt... Mais avant, veux-tu bien me dire ton nom avant que je ne t'explique ce qu'il t'est arrivé ?

J'étais habitué à présent à annoncer la condition de vampire. Cela étant, ce n'était pas plus facile pour autant.
Ce jeune vampire semblait avoir une bonne maîtrise de lui malgré son corps imposant. Il ne nous avait pas encore sauté dessus, ce qui était plutôt bon signe. Ses yeux rouge sang s'était posé brièvement sur chacun de nous, comme cherchant à mettre un nom sur chacun à mesure que je les avais énoncé. Cependant, il restait crispé et mal à l'aise. Je ne pouvais que comprendre ce comportement.

- Je me nomme Emmett McCarty. Pourriez-vous m'expliquez ce qui se passe, qu'est-ce que je fais là et surtout pourquoi ma gorge me brûle autant ? Pourquoi je n'ai pas besoin de respirer ?

Je lui souris doucement en allant me mettre face à lui, dos au mur. Ainsi il se nommait Emmett. Il était bon de pouvoir mettre un nom sur ce nouveau visage.

- Bienvenue Emmett. Ce que je vais te dire va probablement te paraître incroyable et incompréhensible mais je peux te jurer que ce n'est que la vérité. Il y a trois jours, tu as subi une attaque d'ours. Rosalie t'a ramené et j'ai constaté que tu ne pouvais pas être soigné. Tu allais mourir...

Je fis une légère pause, le temps pour lui de digérer mes paroles.

- Nous avons donc pris la décision de te sauver en te faisant devenir comme nous. Nous sommes et tu es à présent, un vampire. D'où la gorge qui te brûle et cette capacité qui fait que tu n'a plus besoin de respirer. C'est aussi la raison de notre prochaine promenade en forêt. Tu as besoin de chasser et nous allons y aller ensemble. Bien sûr, tu peux prendre tout le temps que tu veux pour te faire à ton nouveau toi. Ecoute les sons, sens les odeurs, tu sauras que je ne mens pas.

Je n'osais pas faire un geste. Les réactions avaient été variées face à cette révélation. Edward avait été dévasté, Esmée presque soulagée, Rosalie l'avait rejetée de toutes ses forces avant d'en tirer profit. Quelle répercussion cette révélation allait-elle avoir sur lui ? C'était après la morsure, le moment le plus délicat. Celui d'accepter une nouvelle existence sans choix de retour. Celui d'une vie éternelle. Rosalie le vivait difficilement et j'espérais que l'arrivée de ce nouveau compagnon allait pouvoir égayer sa vie... M'étais-je trompé encore une fois ?

Je voyais nettement le doute et la peur sur son visage. On l'aurait été à moins et je pouvais deviner sans peine son cerveau tenter d'accepter la nouvelle. Je lançais un rapide regard à Edward qui me confirma que ses pensées n'étaient pas menaçantes. Je me détendis donc un petit peu. Il prenait la nouvelle bien mieux que je ne l'espérais....
Au bout d'un long moment, que je laissais silencieux, bien déterminé à lui laisser le temps qu'il lui fallait, il reprit la parole:

- Un vampire se nourrit de sang d'après ce que je sais. Est-ce que vous tuez pour... vous nourrir ?

Son hésitation me fit légèrement sourire, mais je redevins sérieux bien assez vite pour que cela soit très remarqué. Ses yeux rouges rubis dénotaient d'une soif dévorante, et j'avais appris à ne pas rire de cela.

- Il existe deux manière de se nourrir pour nous.... Chacune à base de sang... Mais c'est à toi de choisir si tu veux te nourrir d'humains ou d'animaux. Sache que notre famille ne se nourrit que d'animaux car nous ne voulons pas être des meurtriers.... Cependant... Il existe dehors, des vampires qui n'ont pas les mêmes sentiments que nous envers la race humaine....

Je me rapprochais doucement de la baie vitrée et l'ouvris doucement pour laisser entrer un courant d'air et l'odeur de la forêt. Je nous savais assez loin de toute civilisation pour éviter un accident. Aussi, je n'invitais du regard que Rosalie à venir nous accompagner. Mais le voudrait-elle ?

- Lorsque je parle de chasser... Je parle d'ours, de puma ou de cervidés. Cela devrait apaiser ta soif pour un moment... Tu as bien sûr le choix, mais tu ne chasseras pas d'humains avec nous... Tu es prêt ?