Évènement innatendu

Je n'étais pas peu fière de mon avant-midi, et plus j'y repensais, plus je l'étais. Plus tôt, le matin, je m'étais préparée en même temps que Carlisle, qui se rendait pour commencer sa garde à l'hôpital. J'en avais profité pour qu'il me laisse en ville en passant, pour que je puisse faire quelques courses. Si je ne me pointais pas assez fréquemment pour faire l'épicerie, les gens allaient commencer à se poser des questions. Nous avions donc pris l'habitude de faire cela chaque fois que ses gardes étaient de jours. Arrêtés devant le marché, où les gens nous regardaient toujours avec un air étonné - Il a vraiment une femme, ce n'est pas qu'une rumeur! -, nous échangions un baiser, trop court à mon goût mais assez long pour troubler quelques personnes, avant de prendre un chemin différent.

J'étais repartie une heure plus tard avec deux sacs remplis de fruits et légumes frais, et d'autres condiments et conserves de tout genre. J'entendais les gens murmurer que je ne serais pas capable de trainer les sacs, ô petit bout de femme que je suis. Je devais faire des efforts, surtout pour avoir l'air de trainer par moment. Je "réussis" tout de même à me rendre jusqu'à l'arrêt de bus, où un charmant jeune garçon avec sa mère me proposa de l'aide pour charger mes sacs. Le pauvre, il avait l'air d'avoir encore plus de difficultés que moi mais, échangeant un regard attendrie avec sa mère, nous le laissâmes faire. Et je le remerciai avec une pomme et quelques pièces qui encombraient ma poche.

L'autobus me laissa directement devant le chemin pour se rendre à la maison. J'attendis qu'elle disparaisse de ma vue pour m'enfoncer dans la forêt en direction de Port Angeles. Je ne sus pas combien de temps je dus courir avant d'arriver, mais j'arrivai juste à temps pour la messe de 11h. Profitant que les rues soient presque entièrement vide, j'allai porter les deux sacs de provisions à la porte du refuge des soeurs comme à toutes les fois. La nourriture allait leur servir plus à nourrir les familles plus démunies qu'elle allait servir à ma famille. Elles savaient qu'elles ne devaient pas être là et surveiller sinon je ne venais pas; elles l'avaient testées une fois. Je ne doute pas que leurs intentions étaient bonnes et qu'elles voulaient surement me remercier, mais... Je ne pouvais prendre le risque.

Bref, j'arrivais à la maison en courant, fière de ce que j'avais fait comme toutes les autres fois. Mais, étrangement cette fois, la maison n'était pas vide. Emmett était là? Que faisait-il là? Il n'allait pas à l'école? J'entrai donc en enlevant mon manteau, posant mes clés dans l'assiette de verre sur le meuble du hall. Il ne faisait pas qu'être à la maison, il tournait en rond... Que se passait-il? Pour que Emmett soit aussi anxieux, il devait y avoir quelque chose... Sans hausser la voix, j'enlevai mon chapeau et lui dit;

"Emmett, chéri. Tout va bien?"

Je ne bougeai pas du hall, certaine qu'il allait me rejoindre assez rapidement.

"Pourquoi n'es-tu pas à l'école?"

J'eus à peine fini ma phrase qu'Emmett était déjà à mes côtés. Son air nerveux ne me disait rien qui vaille. Non pas qu'il me sautait au visage, mais il avait les traits légèrement stressés. C'était le garçon le plus simple que je connaissais. Rien ne semblait lui faire plus plaisir dans la vie que les petits plaisirs qu'elle renfermait. Je ne l'avais jamais vu empreint de soucis depuis le peu de temps qu'il était parmi nous, et sa bonne humeur ne semblait jamais le laisser. C'était celui que la transformation avait, sans doute, le plus ravi. Il se réjouissait avec un enthousiasme incroyable de chaque opportunité de mettre ses nouvelles capacités physique à l'épreuve. Tout avait une solution si simple pour lui que parfois je lui enviais ce trait de caractère. Il était... Emmett. Je ne pouvais le décrire autrement. Mais cette fois, ce n'était pas Emmett. Du moins, pas totalement.

"Ouais ouais tout va bien t'inquiète. N'enlève pas ton manteau tout de suite maman, j'aimerais bien qu'on aille courir dans la foret ensemble j'ai un besoin fou de me dégourdir les jambes alors... bah on pourrait en profiter pour passer un peu de temps ensemble..."

Ses yeux se plongèrent dans les miens, et je tournai légèrement la tête sur le côté en l'interrogeant du regard. Que se passait-il. Depuis quand passait-il par 10 chemin pour me demander quelque chose. Ah parce qu'il allait me demander quelque chose, j'en étais certaine. Son petit visage d'ange me fit sourire, et je pris mon manteau qu'il me tendait. Ma tenue n'était pas adéquate pour courrir, mais je venais bien de faire un aller-retour jusqu'à Port Angeles; ce n'était pas une petite course de plus qui allait changer quelque chose.

"Avec joie."

J'enfilai le manteau en me tournant vers le miroir du hall quelques secondes pour replacer mes cheveux rapidement dans les broches qui les retenaient de tomber sur ma nuque. Puis, voyant que mon fils était déjà du côté du jardin, je me tournai vers lui en enroulant un léger foulard en soie autour de mon cou. Cela ne pouvait pas être bien grave... Sinon, il me l'aurait dit, ou il aurait été directement vers Carlisle. Mais malgré cette semi-certitude, je ne pouvais m'empêcher d'être légèrement inquiète moi-même. Peut-être avait-il un soucis avec Rosalie. Je savais qu'ils s'aimaient profondément; comment ne pas le remarquer. Mais parfois, leurs deux caractères pouvaient faire des flammèches.

En une seconde, j'étais à ses côtés. Je posai une main sur son bras en traversant la porte, la maintenant ouverte pour qu'il puisse passer à son tour;

"Aimerais-tu aller jusqu'au sommet? Un peu de soleil ne nous fera pas de tord. Et peut être serions-nous assez loin pour que tu puisses me raconter ce qui te tracasse."

Sans lui laisser le temps de répondre, je lui envoyai un immense sourire avant de m'élancer vers la rivière. Quelques secondes plus tard, je la sautai avant de m'enfoncer dans la forêt. Les nuages étaient assez épais d'ici, mais je pouvais voir entre les sommets des sapins, qui défilaient à une vitesse folle, le quasi-éternel éclairci qui se trouvait un peu plus haut. Je savais qu'Emmett ne tarderait à me dépasser, et donc je tournai la tête pour voir où il était rendu sans pour autant arrêter ma course jusqu'à notre destination.

En tournant la tête, j'avais bien vu qu'il approchait rapidement. Il ne manquait qu'une seconde ou deux pour qu'il me dépasse, et je ne m'en faisais pas tant avec cela. Au contraire, je retournai la tête vers l'avant pour regarder où j'allais au lieu de m'en préoccuper. Mais à ma plus grande surprise, l'homme le plus joueur que je connaisse préféra venir prendre ma main dans la sienne. Les yeux écarquillés par la surprise, je tournai à nouveau la tête pour lui, la surprise laissa rapidement place à un grand sourire heureux.

Mon coeur était si léger.. Je n'avais plus espéré de famille pendant si longtemps. Mais tout changea si rapidement. J'avais rapidement aimé Edward et Carlisle comme s'ils étaient ma famille... non, qui devinrent ma famille. Puis, tout sembla avancer petit à petit. Mon union à Carlisle, notre rôle de parents... L'arrivée de Rosalie, puis Emmett... Et pour mon plus grand bonheur, ils acceptaient mes paranoïas et gestes maternels pour ensuite considérer m'offrir une place dans leur coeur. Je ne pouvais être plus bénie par le ciel.

Je savourai cette joie si simple pendant les minutes qui nous emmenèrent jusqu'au sommet. Le soleil qui plongea sur nous me fit presque soupirer. La chaleur ne me réchauffait certes pas, mais les rayons solaires étaient d'un certain réconfort après de longs moments sous un ciel gris. Et puis, avec cette profonde inspiration, j'évitai de m'en faire avec ce que Emmett avait à dire pendant quelques secondes... Je ne voulais pas y penser... Et s'il voulait partir comme Edward, jadis... Je ne sais pas si je supporterais de perdre à nouveau un de mes enfants... Oui, car ils étaient mes enfants...

À ses paroles vint d'abord une vague de soulagement profonde qui se lu si facilement dans mon visage. Puis, lorsque le sens de ses mots vint à mon cerveau, je posai mes deux mains sur ma bouche, abasourdie... Demande... en mariage!? Mais bien sûr! Ils s'aimaient tellement, et ça se voyait depuis la première seconde. Moi, qui avait du être retenue par Carlisle pour me mêler de mes affaires, et ne pas faire pression pour avoir un mariage après quelques semaines, je n'avais pas vu cela venir! C'était pourtant évident, bon sang Esmée!

Sautillant d'un pied à l'autre alors qu'il continuait de parler, je l'interrompis en prenant rapidement ses mains pour le rassurer d'une petite voix rapide;

"Oh! Oh non, ne t'en fais surtout pas. Elle t'aime tellement et..."

Je me jetai à son cou pour le serrer contre moi, des émotions ridicules me chatouillant le nez de larmes invisibles;

"Oh mon chéri..."

Après plusieurs secondes, je me reculai en ajoutant rapidement, la voix émue;

"Pardonne-moi, pardonne-moi. Je suis si heureuse. Comment veux-tu la demander en mariage? Je peux aider à quelque chose?"

Déjà mes pensées s'envolaient vers des milliers de plans différents, mais aussi des centaines de décorations et de robes de mariés et de cérémonies et de fleurs... Oh, attend que Carlisle apprenne!